Biographie du Barbier
La Biographie du Barbier de Marseille
« JE NE TRAVAILLE PAS AVEC LES MAINS, JE TRAVAILLE AVEC LE COEUR ! »
Voici les mots que Mehdi ne cesse de répéter à qui veut bien les entendre. Des termes qui raisonnent bel et bien dans son cœur jusqu’à donner de l’inspiration au bout de ses doigts et vont transformer, sculpter et transmettre son savoir comme une philosophie, de fil en aiguille, de ciseaux en peignes dont il se sert, pour se nourrir et partager une passion, Sa passion !
Le parcours de Mehdi est véritablement atypique mais aussi exemplaire pour qui souhaite dépasser ses propres limites. Son salon de coiffure, de beauté, de songe, mêle l’irréel à tout ce qu’il y a de plus vrai, reflète le don, nous inspire à la création, et attise notre curiosité concernant un personnage plus vrai que nature.
On ressent un plaisir lorsqu’on y pénètre et un sentiment de frustration lorsqu’il est l’heure de quitter ce lieu emblématique et son propriétaire haut en couleur. Sa présence généreuse transforme les visites au barbier en des visites à un copain, un ami, puis un proche. De tels sentiments ne s’acquièrent pas uniquement par la taille d’une barbe ou au détour d’une coupe parfaitement maîtrisée mais grâce à un professionnalisme exemplaire pour ne pas dire hors du commun, et surtout à un homme profondément humain !
Petit come back donc, de celui qui a fini premier au concours national de beauté organisé par la marque phare American Crew en 2018, et qui a reçu en 2017 et 2018 le prix du plus beau salon de beauté français.
C’est en 1975 à Tébessa dans le sud-est de l’Algérie aussi appelée « la porte du désert », que Mehdi voit le jour. Il sera l’avant dernier arrivant d’une fratrie de six filles et de quatre garçons. Durant son adolescence, l’un de ses grands frères vivait et travaillait à Montréal. A chacune de ses venues en Algérie, Mehdi, avide d’aventures et de découvertes, le suppliait de l’emmener avec lui. Mais à son grand désespoir, ce grand frère inquiet pour son avenir, exigeait de lui qu’il se forme et apprenne un métier. Jusqu’à ses dix neuf ans, il n’avait comme expérience que celle de commerçant et cela ne lui plaisait guère. En effet, le temps où il travaillait au côté de son père dans la petite épicerie familiale était révolue, il se devait de s’émanciper vers ce à quoi il aspirait. L’idée d’exercer comme coiffeur commençait à naître dans son esprit.
N’avait il pas toujours été admiratif de l’élégance de son coiffeur Selema ? N’avait il pas attendu son tour pour maîtriser ces ciseaux et devenir lui-même un artiste ? C’est donc tout naturellement qu’il demanda à ce dernier de lui apprendre le métier. Cependant il n’y resta qu’un seul petit mois. L’afflux de clients, un patron très occupé, son âge un peu trop avancé (en Algérie c’est aux alentours de quatorze ans qu’on apprend ce métier) firent qu’il ne s’y sentit pas à l’aise, mais il fut convaincu que ce sublime monde de la coiffure était le sien et qu’il devait en être.
Après cette expérience, il sollicita un certain tonton Hassen, un voisin, gérant d’un salon, pour reprendre son initiation. La légendaire fraternité algérienne opéra et lui donna sa chance.
A peine deux mois passés chez celui qui était devenu son mentor, sa force de caractère et son besoin de se surpasser le poussèrent à être prêt pour un futur voyage au Canada. Il se voyait déjà exerçant dans une grande métropole loin de sa ville natale. Pour se faire, il négocia un petit local annexe au hammam de son cousin Sadek. Celui-ci était à l’abandon depuis plusieurs mois et avait servi tantôt de salon de coiffure. Un salon qui tournait à un rythme beaucoup trop timide pour espérer devenir le salon d’or de Tébessa ! Mehdi lui proposa donc de reprendre le business. C’est en ces lieux que la machine allait être lancée, l’expérience décortiquée au millimètre, le tout relié à son cœur.
Les clients du hammam venaient s’offrir un dernier plaisir juste avant le départ, en ravissant la taille de leur barbe, une coupe de cheveux, ou la totale pour les plus friands d’entre eux ! Après deux mois passés dans ce lieu, sa soif d’apprendre et de réussite avaient atteint leur paroxysme.
La maman de Mehdi possédait un local à l’abandon, tout était à refaire pour réaliser un salon de coiffure digne de ce nom mais c’est bel et bien ce qu’il s’apprêtait à concevoir. Il avait fait appel à un menuisier, créé une vitrine, installé des miroirs, récupéré des fauteuils auxquels il ajouta des repose-têtes.
L’aventure pouvait débuter dans ce petit paradis. Il embaucha un certain Abd-El-Zaq déjà du métier et un apprenti nommé Bilal. Les clients étaient très exigeants et pouvaient se lever du fauteuil pour des détails toujours plus pointilleux. Ceci fit éclore son perfectionnisme et son savoir faire.
Une année s’écoula puis le grand frère du Canada revint vivre en Algérie. Un rêve se brisa mais loin de se laisser abattre il se plongea dans un travail acharné pour maitriser son métier à la perfection.
C’est donc dans ce salon flambant neuf, que Mehdi noua une relation particulière, fidèle, exceptionnelle, presque charnelle, et palpitante avec son art, son métier, désormais partie intégrante de son existence. Après sept années de plaisir et de dur labeur, le cinq juillet 2001, l’artiste disait adieu à son tout premier salon pour s’envoler vers la France, il avait le souhait de toujours plus s’émanciper, se former et partager ce qui était devenue, SA PASSION !
Première expérience plutôt décevante dans le 1er arrondissement de la métropole Marseillaise. Mehdi prenait son temps, se donnait du plaisir et surtout désirait en donner mais son talent était remis sans cesse en question. Ici et à cette époque de l’année, les coupes de cheveux devaient être effectuées en cinq minutes, coup de tondeuse sur les cotés et jusqu’en haut du crane. Dans l’absolu, Mehdi ne pouvait pas imposer son sens du travail et à son grand désarroi, il allait de salon en salon effectuant des prestations d’une quinzaine de minutes maximum. Un gagne pain certes mais il était bien décidé à ne surtout pas troquer de bonnes habitudes durement acquises.
Le déclic se fit lors d’une visite de sa maman qui l’encouragea à ouvrir son propre salon, ce à quoi il parvint avec l’aide financière d’une famille unie. Il loua sur le boulevard National un local sans se soucier des critères stratégiques du quartier en question, mais plutôt conscient et confiant des services qu’il était en capacité d’offrir. Après avoir effectué tous les travaux, comptant sur une clientèle ravie de son professionnalisme et qu’il espérait être fidèle, Mehdi était maintenant prêt à assurer et exploiter tout son savoir faire, au cœur de Massilia. Sans téléphone, ni informatique au départ, et seul au beau milieu de son salon dans un silence religieux le premier jour, Mehdi craignait de ne pouvoir payer le loyer et dire le contraire aurait été un mensonge. Mais un mois passé à peine et le voilà rassuré puisque le bouche à oreille s’en était allé chuchoter à tous les arrondissements de la ville, qu’un certain barbier, pas tout à fait comme les autres, aux prestations de grandes qualités était né sur ce boulevard.
Autant que faire ce peu, Mehdi souhaitait délicatement imposer aux hommes qu’ils prennent autant de plaisir que les femmes chez le coiffeur, et y restent un long moment pour se détendre. Et pourquoi ne pas faire revivre la grande époque où la gente masculine se baladait avec un peigne en poche ?
Quelques années passent et Mehdi peut enfin créer le salon tant désiré. Un univers bien à lui. Chaque personne qui y pénètre, a le souffle coupé, les oreilles hypnotisées par le tintement des ciseaux et des bagues cernant ses doigts. Comme ses bagues, héritage de son père, chaque objet qui orne son salon raconte son histoire, plusieurs parlent d’un souvenir de la maison où il a grandi en Algérie. Quelques appareils photos fièrement exposés représentent sa deuxième passion. Il s’en servira comme un moyen d’améliorer ses prestations tout en prenant du plaisir. Après une coupe et/ou une taille de barbe, il peut régulièrement inviter ses clients au fond de la boutique où se trouve tout le matériel nécessaire afin d’immortaliser ces Messieurs.
Cela va s’en dire, Mehdi a depuis toujours le souci de se former et de former. Il a mis sa passion au service des plus jeunes en invitant régulièrement des coiffeurs débutants ou à peine formés, à améliorer leur technicité à ses côtés et en offrant leurs prestations aux clients.
C’est ainsi que de désir en acharnement, de concessions en passion, à force de volonté et d’amour, porté par son autonomie, sa hargne et son grand cœur, Mehdi l’enfant de Tébessa, est devenu LE BARBIER DE MARSEILLE… ad vitam aeternam…
